De nos jours, nous consommons un produit puis nous le jetons sans pour autant penser à la réparation. L’industrie de la mode n’est pas la plus exemplaire, la Fast fashion décriée par beaucoup est un véritable problème. La surconsommation et la surproduction ont de nombreuses répercussions notamment financières et écologiques. A l’occasion de la journée mondiale du recyclage qui s’est tenue le 18 mars dernier, nous sommes allées à la rencontre à Paris d’Olivier Guyot, bottier-cordonnier, amoureux du cuir qui donne et redonne vie aux chaussures et objets de maroquinerie.
7ème arrondissement de Paris, rue de Verneuil, il y a d’un côté le musée d’Orsay et de l’autre la maison de Serge Gainsbourg. De nombreuses devantures d’artisans se succèdent. Parmi elles, une façade rouge attire l’œil. C’est la boutique, enfin c’est plus que ça, c’est un atelier comme le souligne Olivier Guyot en ouvrant la porte.
L’atelier est en deux parties, en premier lieu son exposé les chaussures, le comptoir vitré laisse apparaître les plus beaux modèles, puis il laisse place aux machines et aux produits en cours de création ou de réparation.
Olivier Guyot est un passionné passionnant, ce genre de personne qui peut vous parler des heures sans aucune lassitude tant leur récit et anecdotes sont prenantes. Pour comprendre cette passion, il faut revenir à l’enfance.
Son papa était artisan boulanger pâtissier, sa destinée aurait pu être toute tracé, mais le travail de nuit ne l’enchante guère « la nuit, il y a autre chose à faire que de faire du pain », des paroles d’adolescent qui le mette sur la voie des compagnons du devoir avec qui il va entamer un tour de France.
C’est son amour pour trois matières « le cuir, le bois et la pierre » qui le pousse tout de même vers l’artisanat. Finalement, c’est sur le cuir que ce porte son choix et comme il le dit lui-même « Je suis rentré dans le milieu de la chaussure par l’amour de la matière ». Après avoir expérimenté et découvert tous les aspects du métier, il a voulu « rompre le cordon ombilical confortable d’être salarié pour devenir entrepreneur, pour devenir patron, pour devenir artisan ». Arrivé à Paris, il tombe amoureux de la ville, il ouvre son premier atelier. C’est le début d’une longue aventure, atelier après atelier, il évolue, progresse et crée.
Une seconde vie
Selon l’ADEME, 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde. Un chiffre impressionnant quand on sait qu’une grande majorité des produits finit à la poubelle car plus rentable pour le consommateur de racheter un nouveau produit que de le faire réparer.
Olivier Guyot peut en témoigner, certains de ses clients lui confient vouloir jeter leurs paires de baskets sous prétexte que la semelle est sale. Une situation qui le dérange et qu’il ne comprend pas. Pour lui c’est « irrespectueux pour ceux qui ont travaillé sur cet objet, qu’il ne soit pas entretenu, qu’on n’anticipe pas sa longévité ».
Une chaussure doit recevoir de l’attention « il faut que l’utilisateur ait autant attention envers le produit qui lui a été confié que celui qui l’a fabriqué ».
Soudain, le titillement des chausses pieds en métal regroupé en guise de sonnette l’interrompt, une cliente entre dans l’atelier avec dans ses mains un article de maroquinerie. Voilà, un exemple concret d’une personne attachée à son sac qui souhaite lui donner une seconde vie. Rapidement, le tour du produit est fait et le diagnostic est posé, la réparation est possible. Le devis est soumis à la cliente, ici on parle d’une quarantaine d’euros soit 10 % du prix d’achat selon Olivier Guyot. Il faut évidemment qu’il y ait une cohérence entre le prix d’achat et le prix de la remise en état.
Créer un déclic chez les jeunes
Pour qu’il y ait un changement, il faut une prise de conscience. Pour Olivier Guyot, certains jeunes prennent conscience de la valeur des objets et préfèrent acheter une chaussure de qualité qui lui durera de nombreuses années. C’est le cas de ce jeune homme, la vingtaine, qui entre dans la boutique, deux paires de chaussures à la main. L’une d’entre elle est usé mais Olivier Guyot le rassure, elle est réparable, la case poubelle est évitée. Puis c’est un modèle neuf qu’il lui présente. Cette fois ce n’est pas pour réparer mais pour protéger en amont de l’utilisation.Voilà, un cordonnier heureux, le client parti, Olivier, le sourire au lèvre, confie son enthousiasme à l’idée qu’un jeune prenne soin de ses chaussures.
Ainsi durant l’après-midi, les client se sont succédé tantôt pour faire l’achat d’une paire de chaussure tantôt pour apporter divers objets à réparer. Si certains sont attentifs au prix et calculent la rentabilité d’une réparation, d’autres attachés à leur objet et un peu moins regardant font confiance à l’expertise du professionnel. Plus qu’une simple répartition, c’est un geste pour la planète et un geste pour son portefeuille.
L’artisanat n’est pas dit son dernier mot, ni même Olivier dans sa quête de sensibilisation et d’éducation à des pratiques alternatives plus en face avec les tendances actuelles.