Alors qu’il a déjà publié deux romans et qu’il en écrit un troisième, cet écrivain poste régulièrement des textes sur Instagram. Dans les derniers, il s’amuse à dépeindre des portraits d’inconnus avec ses mots
Il fait des portraits d’inconnus sans même leur parler. Vincent Lahouze est auteur la nuit et éducateur spécialisé le jour. Sur Instagram comme dans ses romans, il expose au public sa vie privée. Il a récemment commencé à faire des portraits d’anonymes sur cette plateforme. Ce toulousain s’attarde sur le quotidien de ceux qu’on ne regarde pas, cet habitué d’un café, cette fille à un arrêt de bus. Les prochains portraits qu’il va publier vont sûrement changer de format pour passer de post Instagram à des réels, mais il n’en est pas encore sûr, il essaie de s’adapter à ce qu’Instagram propose.
Pendant notre entretien, ses cheveux bruns sont retenus par un cerceau pour ne pas cacher un sourire qu’il affiche à chaque fin de phrase. Pourtant, il parle de sujets qui le touchent. À chaque poste, il redoute les commentaires haineux, les reproches et se demande : “Est-ce qu’on va me tomber dessus ?”. Il le sait, c’est le jeu lorsqu’on est exposé, il sera toujours critiqué, il est féministe, mais pas femme, déconstruit, mais jamais assez.
Alors qu’il avait posté trois premiers portraits, il est revenu sur sa décision pour d’eux d’entre eux. Faits sous le coup de l’émotion et de la colère, il a préféré les supprimer même s’il ne pense pas nuire à la vie privée des gens dont il parle. Il ne montre pas leurs visages, ne connaît pas leurs noms. Vincent ne souhaite pas les rencontrer, ça dénaturerait son travail d’imagination d’en savoir trop. Il se base sur ce qu’il voit, sur la réalité, mais y ajoute son style, sa subjectivité.
Sa vie privée comme source d’inspiration
Visible dans ses romans autant que sur Instagram, Vincent s’est toujours inspiré de sa vie privée, c’est sa plume, son identité et il l’assume, même si par le passé ça a pu être difficile. Après une rupture, ses abonnés curieux ne savent pas où sont les limites et demandent : “Elle est où Camille ?” alors qu’elle est partie de ses post Instagram autant que de sa vie. Quand c’est nécessaire, il n’hésite pas et bloque les indésirables. C’est l’avantage des réseaux sociaux, on peut faire disparaître de son cercle les personnes qui ne nous veulent pas que du bien.
Mais Vincent entretient une bonne relation avec sa communauté. Il répond au DM et aux commentaires, sans forcément lancer de conversation. Il fait régulièrement un grand ménage dans ses abonnées, les comptes fake, les comptes inutilisés, il les supprime. Il estime que c’est grâce à eux qu’il a pu publier ses deux premiers romans. Ils seront d’ailleurs ravis d’apprendre qu’il doit finir le premier jet du 3ᵉ pour le mois de septembre.
Encore une fois, c’est de son passé et de son présent dont il s’inspire. Ce prochain roman sera axé sur son travail. Un job qui le “vampirise”. Il est éducateur spécialisé dans la protection à l’enfance au Service d’Accueil d’Urgence (SAU) de Castres. Voir les enfants en détresse le révolte. Enfant, il a lui-même été placé avant d’être adopté. Pour lui, c’est injuste que certains parents fassent des enfants qui se retrouvent ensuite avec lui au SAU, alors que d’autres ont du mal à adopter. Une chose est certaine, il ressent le besoin d’écrire sur son travail, le fait que, de ses 0 à 4 ans, il ait une partie de sa vie plongée dans le noir lui fait se poser des questions sur lui et sur son travail, il en parle dans son dernier post intitulé : “Je suis Vincent team, je suis un educspécial, lisez :”
Un solitaire bien entouré
Pour Vincent, ces 45 milles followers sont plus qu’un chiffre, ce sont des individus avec qui il échange. Enfant, il n’était pas autant entouré, il était le petit rigolo, ce n’était pas un leader. Il avait des “potes” mais très peu d’amis proches. Il entretenait une certaine distance, ces amitiés restaient en surface. Rien à voir avec ses vrais amis qu’il compte sur les doigts de la main. Emmanuel, un de ses meilleurs amis, était son voisin de maison de campagne ; ils sont toujours amis aujourd’hui. Maintenant, il aime être seul, il ne sort plus de la même manière qu’il y a quelques années. Il en a terminé avec les excès dont il a parlé sur Instagram.
Il se corrige lorsqu’il dit qu’il aime être seul : il aime être avec Ogara, son chat, qui miaule derrière lui depuis une dizaine de minutes, avec sa fiancée, Coralie, et le fils de celle-ci, que l’on nomme sur Instagram Petit Prince pour laisser à cette tête blonde un peu d’intimité. Être coparent a chamboulé sa vie et l’a inspiré. Actuellement, il travaille sur un podcast de 4 épisodes de 20 minutes qui parlera de parentalité. L’arrivée de Petit Prince l’a fait se questionner sur la place qu’il devait prendre dans cette famille qu’il a trouvée.
Sur Instagram, il a pris du temps avant de dévoiler Coralie mais, petit à petit, il l’a montrée, comme s’il dévoilait quelque chose de précieux qu’il aurait aimé garder pour lui. Fraîchement fiancé, il pense ajouter à sa collection de tatouages une corneille : le surnom qu’elle lui donne. Un débardeur gris laisse des bouts de tatouages sortir au grand jour. Les plumes d’un Phoenix sur son épaule droite, une phrase sur son pectoral, un autre dessin sur l’épaule. Il en a beaucoup et tous ont du sens pour lui, comme tout ce qu’il écrit.
Océane Wodzynski