À l’orée de 2024 et de ses jeux olympiques de Paris, les jeunes et le sport ne
semblent pas réconciliés. Il existe un contraste entre le manque de pratiques
sportives chez les jeunes et la fierté française de ses grands athlètes à
l’international.
Il y a aujourd’hui un véritable déficit dans la pratique du sport chez les jeunes français. Si 14% du temps scolaire est pourtant réservé à la pratique sportive, seuls 9% des filles et 17% des garçons de 11 ans ont une activité physique quotidienne d’au moins 60 minutes comme le préconise l’Organisation Mondiale de la Santé. C’est bien inférieur à la moyenne de nos voisins européens (19% des filles et 26% des garçons). Cependant la France semble briller par ses grands athlètes comme Antoine Dupont au rugby, Kylian Mbappé au foot ou plus récemment Victor Wembanyama au basket.
Pour Maxime Luiggi, maître de conférences en STAPS à Aix-Marseille Université, la France n’est en réalité pas si brillante par rapport à ses voisins européens.
« Contrairement à ce qu’on laisse entendre, la France n’est pas particulièrement un pays de grands athlètes. Un pays comme la Slovénie par exemple comporte une plus grande proportion de médaillés olympiques par habitant. »
Où les athlètes français se forment-ils aujourd’hui ?
« C’est souvent en club qu’ils se sont formés. Là où l’EPS permet de découvrir ce qui leur plaît, c’est en club qu’ils se spécialisent. Il existe deux profils : ceux qui sont poussés par des motivations familiales par exemple et qui vont être de très bons compétiteurs et ceux qui vont se chercher dans différents sports avant de trouver celui dans lequel ils vont exceller. C’est dommage car le système sportif français ne permet pas vraiment ça et les clubs ne s’intéressent pas à ce qu’il se passe en dehors de chez eux. »
Sport à l’école et en club, un lien rompu
Quelles sont les raisons de la si faible pratique sportive chez les jeunes français ?
« La première raison est l’abandon fréquent, ayant pour cause principale un système sportif français qui est très compétitif très tôt […] Le poids de l’école est aussi de plus en plus important et avec l’âge les jeunes arrêtent le sport pour avoir du temps pour poursuivre leurs études »
Considérez-vous qu’il existe une différence entre la pratique du sport en club et à l’école ?
« Il existe une véritable division entre le sport à l’école étant porté sur l’aspect éducatif des pratiques sportives, et le sport en club qui lui ne s’intéresse pas au sport en général mais plutôt à la performance du club. […] Dans les années 70, c’était l’UNSS qui gérait les pratiques sportives des jeunes, aujourd’hui il existe très peu d’endroits de pratique, le relais à été pris par les clubs mais au détriment d’une rupture du lien entre l’école et eux. »
« Donner de la place pour bien le faire »
Les récentes déclarations du Président de la République, visent à multiplier par 2,5 le nombre de places en Sport Études et à généraliser dans tous les collèges de France la pratique supplémentaire de 2 heures de sport hebdomadaire. Ces mesures seront-elles suffisantes pour promouvoir la pratique sportive chez les jeunes ?
« La création de nouvelles places en Sport Études c’est une bonne chose, on en a besoin. Mais les mesures concernant les collèges ne sont pas suffisantes dans le sens où ces deux heures de sport ne viendront que se rajouter par dessus un programme déjà chargé de cours. C’est le même exemple en primaire avec les 30 minutes quotidiennes obligatoires. Cela rajoute une couche supplémentaire de travail […] Les professeurs n’ont déjà pas assez de temps pour finir le programme scolaire actuel. Il faudrait plutôt réorganiser l’emploi du temps, et donner de la place pour bien le faire, […] mais aussi renforcer le lien étoffé entre la pratique en club et celle à l’école afin que les créneaux puissent se compléter sans se superposer. »
L’impact négligeable des JO sur la promotion du sport
Les JO de 2012 à Londres visaient l’objectif de 2 millions de pratiquants réguliers, cependant il est loin d’avoir été atteint. Pensez vous que les JO de Paris en 2024 forment un levier d’action afin de pousser à la pratique du sport ?
« Après les JO il n’y a pas d’augmentation (dans la pratique sportive) mais plutôt des appels d’air comme on le voit avec le rugby en ce moment, qui finissent par retomber. […] Derrière les JO il n’y a pas de mesures de restructuration pour vraiment donner au sport la place dans la société qu’il mérite. […] Les JO communiquent sur d’autres aspects, notamment des enjeux écologiques plus que des enjeux sportifs. »
Jules CORNELOUP, le 08/11/23