Pendant le confinement lié au Covid-19, le nombre de personnes victimes de troubles du comportement alimentaires a nettement augmenté. Cette tendance a été favorisée par l’isolement des individus, mais aussi l’omniprésence des réseaux sociaux dans le quotidien des français.
L’Université de Toronto (Canada) a publié une étude en octobre 2023 montrant une augmentation notoire des troubles du comportement alimentaire (TCA) chez les canadiens pendant la période du Covid-19. On remarque que la tendance est la même en France, renforcée par un isolement individuel et une utilisation accrue des réseaux sociaux pendant le confinement.
Une étude de Santé Publique France, publiée en 2021 a montré que pendant la période du Covid-19 et plus particulièrement pendant le confinement, le comportement alimentaire des français a été bouleversé. Cette étude estime que 27% des français auraient pris du poids (environ 2,5 kilos) et 22% auraient grignoté de manière inhabituelle, pendant cette période. Ces chiffres font référence à des habitudes de compulsion, comme l’hyperphagie (fait d’ingérer une grande quantité de nourriture). “Le fait d’être enfermé, sans pouvoir sortir de chez soi, a amené les français à être en accès facilité au placard et au frigo”, explique Caroline Seguin, diététicienne nutritionniste, spécialiste des TCA. Les pénuries alimentaires sur les pâtes ou le riz par exemple, ont créé une peur de manquer chez certains patients. Ce qui a engendré de l’inquiétude et des “comportements compensatoires de stockage et de surconsommation de ces produits”. Les comportements de compensation, tels que la boulimie (alimentation à but vomitif) ont aussi été intensifiés pendant le confinement. “L’isolement, le fait qu’il n’y ait pas de regard extérieur a facilité les vomissements. On a constaté une augmentation de ces comportements chez les étudiants vivant seuls, par exemple”, explique la spécialiste des TCA.
Des troubles alimentaires renforcés par les réseaux sociaux
Selon une étude d’Omdia (entreprise d’analyse) publiée en 2020, le trajet sur Facebook et Instagram a augmenté de 40% chez les moins de 35 ans, pendant les trois premières semaines du confinement. “L’esprit n’était plus accaparé ni par l’École, ni par le travail, ce qui a laissé place à plus de temps libre. On a assisté à un réel “boom” des réseaux sociaux”, explique Caroline Seguin. Entraînements sportifs, recettes minceur, selfies, les réseaux sociaux, ont joué un rôle majeur dans ce culte du “corps parfait”. “Les patients victimes de TCA ressentent constamment une insatisfaction vis-à-vis de leur corps. La question esthétique omniprésente sur les réseaux sociaux, avec les filtres, les retouches, n’a fait que renforcer le problème”, ajoute Mme Seguin. Pendant le confinement, des contenus tels que la “healthy food” (nourriture saine) sont devenus viraux. Le #healthyfood totalise en 2021 plus de 100 millions de publications sur Instagram, qui sont pour la plupart des recettes avec un faible apport calorique.
Un environnement propice à la bigorexie
Le sport est le sujet qui a connu le plus de succès chez les français pendant le confinement. Et pour cause, le nombre de contenus sportifs sur Instagram a augmenté de 266%. Certains français se sont retrouvés sous l’emprise de l’obsession sportive, qui porte le nom de bigorexie. Au départ, le but est simplement de gagner en masse musculaire. Mais pendant le confinement, la pratique s’est radicalisée. “Pour certains, la pratique sportive quotidienne s’est couplée avec une alimentation restreinte, afin de perdre du poids. C’est dans ce cas que la bigorexie devient inquiétante”, précise la nutritionniste. L’Organisation Mondiale de la Santé estime à 15% des sportifs, les personnes victimes de bigorexie. “Un patient bigorexique, comme n’importe quel patient addict d’ailleurs, organise sa journée en fonction de son entraînement sportif”. Cette pratique, poussée à l’extrême, peut avoir des conséquences physiques désastreuses, comme des fractures de fatigue par exemple. Elle peut aussi altérer le côté psychique, car en cas d’arrêt obligatoire de la pratique sportive, le patient se retrouve face à un risque de grave dépression.
Manon COUPE